Position Assise Prolongée : l’Épidémie Silencieuse

Position Assise Prolongée : l’Épidémie Silencieuse

Dans nos sociétés de plus en plus sédentaires, nous passons aujourd’hui le plus clair de notre temps en position assise à un bureau et/ou immobile devant un écran.

Non seulement la station assise prolongée peut avoir des répercussions négatives sur la posture et engendrer des troubles musculo-squelettiques, mais elle peut aussi être un facteur de risque indépendant de diverses pathologies.

Après les alertes sur le tabac, la malbouffe ou l’inactivité physique, il faut aujourd’hui tirer la sonnette d’alarme contre cette épidémie silencieuse qu’est la sédentarité.

Avant tout, il faut bien faire le distinguo entre le manque d’activité physique et la sédentarité. On peut être inactif physiquement et sédentaire (comportement le plus à risque), mais on peut tout aussi bien être à la fois actif (voire très actif) physiquement ET sédentaire. C’est le cas fréquent des travailleurs de bureau qui passent des heures assis dans la journée et qui vont faire une heure de course à pied (ou une session de surf) pour compenser. Mais la mauvaise nouvelle est que l’activité physique ne compense pas la sédentarité (ou du moins pas totalement). La sédentarité en elle-même est un facteur de risque.

Il faut donc à la fois lutter contre l’inactivité physique en pratiquant régulièrement une activité physique ou sportive, mais également limiter au maximum le temps passé immobile pendant la journée.

Les derniers résultats de l’étude Esteban 2014-2016 (Etude de Santé sur l’Environnement, la Biosurveillance, l’Activité physique et la Nutrition) sur des enfants de 6 à 17 ans et des adultes de 18 à 74 ans en France métropolitaine présentés fin septembre par Santé Publique France sont alarmants sur les niveaux de sédentarité.

Environ 90 % des adultes sont sédentaires plus de 3 heures par jour.  En moyenne, le temps de sédentarité journalier est 6 h 35 minutes, indépendamment du temps passé au travail. La sédentarité est très liée au temps passé devant les écrans (ordinateur, smartphone, télévision, jeux vidéo…) : les adultes déclaraient en 2015 passer 5 h 07 minutes par jour devant un écran. Aujourd’hui 80 % des Français adultes passent au moins 3 heures devant des écrans par jour alors qu’ils n’étaient que 53 % dix ans plus tôt.

Depuis les travaux du Docteur Jeremy Morris dans les années 1950, on connaît la relation entre position assise prolongée et maladies cardio-vasculaires. Il avait démontré que les conducteurs de bus à impériale de Londres (qui passaient leur temps assis) faisaient deux fois plus de problèmes cardiaques que leurs collègues contrôleurs (qui eux se déplaçaient pour contrôler et montaient et descendaient plus de 500 marches par journée de travail). Les contrôleurs avaient tendance à faire des troubles cardiaques moins graves et avec une mortalité moindre que les conducteurs.

On sait aujourd’hui que le temps assis prolongé est un facteur de risque de surpoids ou d’obésité, de dépression, de diabète de type 2, de maladies cardio-vasculaires, de certains cancers ou de décès prématuré. Plus on passe de temps assis de manière ininterrompue au quotidien, plus la mortalité augmente. Mais pour un temps assis égal en moyenne, ceux qui se lèvent régulièrement auraient une mortalité moindre.

Les risques liés à la sédentarité sont tels que certains n’hésitent pas à clamer outre-Atlantique que « Sitting is the new smoking » (Rester assis est le nouveau facteur de risque majeur avec le tabac) : même si ce slogan peut paraître excessif, il interpelle suffisamment pour nous inciter à nous lever de notre chaise le plus souvent possible.

Que faire pour lutter contre la sédentarité ?

  • Limitez les temps de travail assis ;
  • Coupez les temps de travail assis par des pauses debout ou par des marches régulières ; idéalement il faudrait se lever toutes les 30 minutes, 60 minutes quand on ne peut pas faire autrement, mais en aucun cas il ne faudrait rester 2 heures d’affilée assis ;
  • Travaillez assis sur un support instable comme un swiss ball ;
  • Adoptez un « standing desk » : « bureau debout » ou « bureau assis-debout » ;
  • Réduisez la fréquence et la longueur des réunions ;
  • Testez les réunions de travail en marchant (vous serez plus productifs) ;
  • Quand vous téléphonez, profitez-en pour vous lever de votre chaise et parlez debout ou en marchant ;
  • Essayez de réduire les temps de connexion aux écrans et aux réseaux sociaux (même si difficile du fait de leur fort pouvoir addictif).

Bref, adoptez une vie en mouvement car notre corps n’a pas été conçu pour rester passif pendant les temps d’éveil !

position assise - dessin

Références :

Des Français pas assez actifs, rivés aux écrans : l’alerte de Santé publique France : https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2017/09/26/des-francais-pas-assez-actifs-rives-aux-ecrans-lalerte-de-sante-publique-france_850668

Diaz KM et al. Patterns of Sedentary Behavior and Mortality in U.S. Middle-Aged and Older Adults: A National Cohort Study. Ann Intern Med. 2017 Sep 12. doi: 10.7326/M17-0212.

Shen D et al. Sedentary behavior and incident cancer: a meta-analysis of prospective studies. PLoS One. 2014 Aug 25;9(8):e105709. doi: 10.1371/journal.pone.0105709. eCollection 2014.

PETER T. KATZMARZYK et al. Sitting Time and Mortality from All Causes, Cardiovascular Disease, and Cancer Medicine & Science in Sports & Exercise. 41(5):998-1005, MAY 2009

Megan Teychenne et al. Sedentary Behavior and Depression Among Adults: A Review. International Journal of Behavioral Medicine. December 2010, Volume 17, Issue 4, pp 246–254

Ekelund U et al. Does physical activity attenuate, or even eliminate, the detrimental association of sitting time with mortality? A harmonised meta-analysis of data from more than 1 million men and women. Lancet. 2016 Sep 24;388(10051):1302-10. doi: 10.1016/S0140-6736(16)30370-1. Epub 2016 Jul 28.

Morris, J.N., Heady, J.A., Raffle, P.A.B., Roberts, C.G., and Parks, J.W., 1953. Coronary heart disease and physical activity of work. Lancet 265, 1111-1120. http://www.epi.umn.edu/cvdepi/study-synopsis/london-transport-workers-study/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

7 commentaires

  1. Dabat Laborde dit :

    Très intéressant et instructif ! Merci Guillaume

  2. D.Harriague dit :

    Bonjour Guillaume.
    N’oublie pas l’automobile qui nous a si bien habitués à aller voir la mer sans nos pattes. Elle a l’énorme avantage de cumuler sédentarité et effet direct de la pollution, sans parler de sa géniale contribution au réchauffement climatique.
    Allons à Vélo, Allons à Pied !

    Des références sympa dans le rapport européen https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-europe-2017

  3. eliane dit :

    en réalité, les employés de bureau exercent aussi un métier soumis à des contraintes physiques susceptibles de générer des risques lorsque ces situations dangereuses ne font pas l’objet d’une prise de conscience et de mesures de prévention adéquates, ce qui est fréquent : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/ergonomie-au-poste-de-travail/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=164&dossid=458

  4. reudel dit :

    Tout à fait d’accord, immobile sur un siège devant un ordinateur, pour moi c’est parfait pour avoir un mal au dos intense !
    Un de mes fils informaticien assis était trop lourd, avec des problèmes, et en changeant de métier où il marche toute la journée, il se porte bien mieux, bien plus léger !
    Aussi je compense pour moi avec ma femme retraités à 77 et 80 ans , on fait un exercice très simple, mais intense :
    courir ou pédaler le plus vite possible en côte sur 200m de dénivelé total sur collines boisées ou même escaliers en environ 35 minutes y compris montées et descentes chaque jour depuis plein d’années !
    Ma femme au début essoufflée pour presque rien peut courir en côte maintenant sans peine avec beaucoup plus de muscles.
    A Biarritz et environs, vous avez de belles collines et montagnes parfaites pour ce type de sport intense avec de beaux paysages qui ne sont pas réservés aux seuls jeunes ! On peut même y faire un triathlon, en été, nage, vélo et côtes.
    A mon avis il ne faut pas marcher ou courir à plat, mais en côte de 10% à 30% , car c’est bien plus intense en peu de temps et efficace, en progressant sur plusieurs années.
    Vieux comme nous on n’a plus de muscles rapides et donc à plat, on ne peut plus courir vite pour faire un effort très intense, alors qu’en côte sans courir vite, l’effort reste très intense sur peu de temps, quelques minutes et pas des heures à fatiguer les articulations de vieux..
    C’est très efficace contre mon mal de dos supprimé en le musclant et le remettant en place, sans aucun problème cardiaque.

  5. Aubrun Pascal dit :

    Bonjour Docteur,
    Un grand respect pour vos positions.
    Mes pensées vous accompagnent.
    Tout mon soutien.
    Merci pour votre courage.

  6. J-R Hurt dit :

    Merci Monsieur Barucq,
    Prenant connaissance de votre article sur la sédentarité, je tiens à vous en féliciter tant il est complet et riche d’exemples vécus et de références.

  7. COLAS Jean dit :

    Bonjour,
    Merci de tous ces éléments que j’essaie de suivre mais ce n’est pas facile.