Nicolas Bonnemaison : une Victime avant tout

Nicolas Bonnemaison : une Victime avant tout

Comme beaucoup, je suis meurtri par ce qui arrive à mon confrère, le Docteur Nicolas Bonnemaison : sa condamnation suite à un deuxième procès-fleuve, et la tentative de suicide qui s’en est suivie.

Je connais bien Nicolas Bonnemaison car il a été l’un de mes chefs de service pendant mon internat au Centre Hospitalier de la Côte Basque. Humain, toujours à l’écoute, méticuleux dans la tenue de ses dossiers, Nicolas était ce que l’on peut considérer comme un « bon » médecin. Sa vision humaniste de la médecine m’a aidé à devenir le médecin que je suis aujourd’hui.

Je ne jugerai pas des faits qui lui ont été reprochés. Peut-être n’a-t-il pas toujours pris les bonnes décisions, peut-être a-t-il commis des maladresses ou des erreurs eu égard à la législation et aux « bonnes pratiques » en vigueur.

Mais méritait-il pour autant une condamnation à de la prison avec sursis, après avoir été acquitté au premier procès ?

La question essentielle à laquelle les juges avaient à répondre était de savoir s’il avait, oui ou non, euthanasié des patients en fin de vie en les « empoisonnant ».

L’accusé l’a répété durant ses procès :

«Jamais je n’ai voulu raccourcir des vies, seulement accompagner des agonies.»

C’est là toute la différence entre abréger une vie par euthanasie active, et soulager les souffrances d’un patient en fin de vie (même si les médications utilisées peuvent accélérer la survenue du décès). L’intentionnalité n’est pas du tout la même.

Au fil des audiences, tout le monde s’est accordé à dire que Nicolas Bonnemaison n’était pas un assassin, y compris Jean Leonetti et Bernard Kouchner venus témoigner aux deux procès.

Comme l’expliquent très bien des spécialistes belges, il ne s’agissait en aucun cas d’euthanasie.

Mais avec l’immixtion dans le débat public de défenseurs de l’euthanasie, Nicolas Bonnemaison est devenu l’icône malgré lui d’un combat qui n’était pas le sien.

Même s’il a été jugé coupable, Nicolas Bonnemaison est avant tout à mon sens une victime :

Victime d’un système où l’hôpital est devenu une entreprise tarifée à l’activité, où les services travaillent à flux tendu, faisant des urgences un goulot d’étranglement où des patients qui n’ont rien à y faire viennent régulièrement s’échouer. Nicolas Bonnemaison était responsable du service d’UHTCD dont le rôle, comme il le définissait lui-même, était d’accueillir sur une très courte durée des patients en transit en attente d’une admission dans un service adapté ou d’un retour à domicile après une surveillance. Que sont venus y faire autant de patients en fin de vie relevant d’une unité de soins palliatifs ? La réponse, nous la connaissons : services régulièrement complets, manque de lits d’aval, nécessité d’ « héberger » des patients dans un service autre que celui auquel ils sont destinés, insuffisance des soins palliatifs, avec pour conséquence la thrombose récurrente des services d’urgences avec des patients pouvant attendre des heures dans un couloir sur un brancard. Cette réalité conduit des médecins à gérer comme ils le peuvent des situations critiques.

Victime d’une condamnation par ses pairs avant même que la justice n’ait rendu son verdict. Quand l’affaire a éclaté, les faits reprochés paraissaient si graves que l’Ordre des Médecins se devait de réagir. Mais comment la justice ordinale a-t-elle pu le condamner a priori, avant même la tenue du procès ? Pourquoi lui avoir retiré sa dignité de médecin en le radiant, au lieu de l’accompagner dans cette épreuve ? « La Médecine, c’est ma vie » avait-il répété. Lui retirer définitivement sa passion pour la médecine équivalait à le condamner, comme l’a confirmé le psychiatre qui l’a expertisé.

Victime enfin d’une société où le médecin endosse de plus en plus de responsabilités sans avoir les moyens d’accomplir au mieux ses fonctions. Seul face au patient, seul dans ses décisions (comment obtenir la « collégialité » quand un patient agonise à 3 heures du matin ?), seul face à la justice, seul face à l’emballement médiatique…

Toute cette solitude a certainement joué dans l’épuisement physique et moral d’un homme déjà fragilisé et a conduit à cet acte désespéré au détour d’une forêt des Landes à la veille de la Toussaint.

Aujourd’hui, souhaitons que Nicolas Bonnemaison s’en sorte, qu’il puisse se reconstruire, et que le débat sur la fin de vie continue d’avancer.

A mon sens, ce n’est pas la loi qui est défaillante, mais surtout les moyens humains et matériels nécessaires à sa mise en oeuvre pour aider tous les patients à partir sans souffrance. Sans recourir à l’euthanasie pratiquée dans certains pays.

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4 commentaires

  1. Simon nicolas dit :

    Soutient pour lui. Radié par ses peres mais il peut s’épanouir et être utile dans d’autres familles de soins. Cela va t’il faire réagir d’autres médecins ?

  2. Roche dit :

    le docteur BONNEMAISON a bénéficié de tous les droits donnés à la défense, et sur ce point notre justice de Cours d’assises est exemplaire même quand elle est rendue dans un climat général de « dérangement des esprits »…..
    Car enfin! ou bien la justice pénale acquitte, ou bien elle condamne dans le cadre strict de la Loi votée démocratiquement par nos représentants élus – dans le cas présent toujours la Loi « Léonetti ».
    Toute autre affirmation serait pure démagogie…!!!

  3. Elke Chapuisod dit :

    Je me disais juste hier que, merci les médias, nous n’en entendions plus parler.
    Ce qui doit faire du bien à Nicolas Bonnemaison – réspirer – et se reforger une identité.

    Avoir une idée comment il va serait « chouette »

  4. Jacques Beau dit :

    Merci d’avoir élargi la vision des choses. La mort reste une difficulté incontournable et source de conflits ingérables par le raisonnement logique. L’emploi des antalgiques de palier III évolue sans cesse. Leur généralisation outre atlantique à eu des conséquences terribles qui a épargné notre pays.
    Mes amitiés à Nicolas de la part d’un généraliste qui a travaillé avec son chirurgien de père en 1979.